Analyse De La Version Francaise De Purple Hibiscus Par Mona De Pracontal
Victor Chinedu Asadu
Dept. of Foreign Languages & Literary Studies, University of Nigeria, Nsukka
And
Awa, Samuel. PhD
Dept. of Foreign Languages & Literary Studies, University of Nigeria, Nsukka
Résumé
Une étude de la traduction des romans africains révèle parfois des traductions littérales erronées et des modifications sémantiques inappropriées. Dans ce travail, nous avons effectué l analyse de la version de Purple Hibiscus faite par Mona de Pracontal. Pour aborder l analyse de la traduction, nous avons appliqué les sept procédés techniques de l approche de la stylistique comparée selon par J.P. Vinay et Jean Darbelnet. Ensuite, nous avons remarqué quelques fautes sémanticolinguistiques pour lesquelles nous avons soulignées et trouvées des solutions afin de justifier notre critique de cette traduction de l ouvrage de Chimamanda Adichie.
Introduction
L objectif de la traduction est la communication. La traduction comme activité humaine est devenue de nos jours indispensable grâce à sa pertinence dans la vie quotidienne. Nous avons entrepris ce travail pour montrer la nécessité de rendre compréhensible à l étranger les faits culturels Igbo qui sont privilégiés par l auteure dans ce travail. De sa part, Mona de Pracontal a fait un travail louable en traduisant le roman Purple Hibiscus en français. Mais, on a quelques observations à faire, car elle n a pas bien saisi quelques faits culturels Igbo apparus dans le texte original. En plus, il y a des aspects grammaticaux dont elle n est pas à la hauteur. C est à noter qu une traduction qui n est pas claire pour son destinateur ou qui présente des erreurs linguistiques n est pas une traduction fidèle au sens.
Cette communication a pour but d analyser la traduction faite pour savoir si la traductrice a maîtrisé la visibilité culturelle du texte de départ. En plus du contenu (fond), le contenant (forme) sera aussi
considéré. Selon Rey (20), pour que la traduction soit fidèle, elle doit produire sur le lecteur tous les effets informatifs, affectifs, et esthétiques du texte de départ . Cela veut dire que le traducteur doit posséder une compréhension à double sens de la langue de départ comme dans la langue d arrivée. C est la raison pour laquelle nous faisons une analyse approfondie de la version française du roman, y compris l exposition des fautes occassionnées d une mal compréhension de l ambiance socioculturelle.
La notion de la traduction littéraire
Cette notion se situe dans la traduction des trois genres littéraires: la prose, le théâtre et la poésie. Ce domaine est déliquat car la littérature représente le moyen d exposer la culture et l évolution d un peuple. D après George Mounin (61), la traduction littéraire exige le “passage d un monde culturel à l autre . Dans ce même raisonnement Xu Yuanchong (53), observe que la traduction littéraire est en quelque sorte une concurrence de deux systèmes culturels et pour gagner dans cette concurrence, il est important de faire prévaloir les avantages de la langue d arrivée, c est-à-dire de recréer l original de sorte que la traduction le dépasse . Cela s explique du fait que les lectuers d une traduction ne doivent pas avoir de la difficulté de compréhension parce qu ils sont à l aise dans leur langue et doivent saisir le message de manière naturelle.
Le texte littéraire est donc celui qui traite parmi d autres sujets, les moeurs, la mode de vie, la culture, la nature, l amour, la haine, la beauté, la religion et les autres réalités socioculturelles d un peuple. Le texte littéraire est particulièrement subjectif et connotatif, ayant pour but de créer un monde esthétique. Ce texte n a pas le but d être un simple passage d information. On doit noter qu un texte littéraire est ce qui présente un peuple dont il s agit dans le temps et dans l espace.
C est pour cette raison que le traducteur est obligé de s’en approprier ou faire le sien l oeuvre comme moyen sûr d accéder au sens du texte littéraire. Pour approfondir cette notion, Fortunato Israël (18) affirme que:
Le plus souvent, l appropriation n est pas un choix: elle est imposée par la nature même de l écriture littéraire. Les mots d abord qui, en apparence, sont ceux de tous les jours mais qui, chargés des valeurs culturelles et affectives, assument volontiers une fonction symbolique, métaphorique et s appellent, se répondent, s organisent en réseaux.
Ayant compris la nature complexe de la traduction, la soi-disant intraduisibilité associée au texte littéraire devient abordable par l approche d appropriation du message de l auteur par le
traducteur. Cela qui veut dire qu on peut traduire n importe quel texte littéraire parce que la traduction ne suppose pas l identité des deux textes, mais l établissement d équivalence de fonction et de message. Il donc important pour que le traducteur se laisse trouvé dans l ambiance qui regnait quand l auteur rédigeait le texte source, pour s inspirer de la même capacité de créativité pour rendre correctement les pensées de l auteur.
Par exemple, si on doit traduire en français un texte en anglais décrivant des ouvriers qui prennent du thé (tea break), faudra-t-il parler de pause café ou d un verre de vin ou de bière, sachant bien qu en France, le thé dans ces circonstances paraîtra incongru? Dans ce cas, nous devons avoir recours à l équivalence dans la langue française comme le souligne Fortunato Israël. Dans ce cas, l équivalence est bien sûr la pause café. Ainsi, on aurait réussi à faire une adaptation.
Prenons aussi le cas en Igbo où l agneau (nwaturu) signifie la stupidité alors qu en Europe, le même animal signifie la douceur et la pureté. C est plutôt l âne qui signifie la stupidité en Europe. Ce veut dire que face à une situation où le texte était rédigé en Igbo, l accent sera mis sur l agneau comme signifiant la stupidité. Il faut que le traducteur soit sensible de tels aspects quand il fait son travail.
Etude de la traduction française du texte
J.P.Vinay et Jean Darbelnet, dans leur ouvrage La stylistique comparée du français et de l anglais, recommandent sept procédés techniques divisés en deux : les procédés directs l emprunt, le calque, la traduction litérale et les procédés indrects la transposition, la modulation, l équivalence et l adaptation. Mona de Pracontal a bien utilisé ces trois procédés directs dans la traduction. On les présente ainsi;
– L emprunt
C est le plus simple des procédés. Selon Vinay et Darbelnet (8), c est le mot qu une langue emprunte à une autre sans le traduire . Il est utilisé pour retenir la couleur locale. Purple hibiscus a quelques mots et expressions de la langue Igbo. Mona de Pracontal laisse ces mots et expressions telles sont dans la version originale.
A titre d exemples sont: biko (V.A:7/V.F:16), anara (V.A:23/V.F:32),ngwo-ngwo (V.A:32/V.F:42), azu (V.A:32/V.F:42), ikuku (V.A:47/V.F:57), nne (V.A:79/V.F:96), okporoko (V.A:54/V.F:67),
omelora (V.A:55/V.F:68),agbogho (V.A:64/V.F:78), mmuo (V.A:74/V.F:90), Chukwu (V.A:83/V.F:100), oga (V.A:113/V.F:134), unu (V.A:135/V.F:159) ezi okwu? (V.A:170/V.F:200)
etc. Ces mots et expressions peuvent avoir des équivalents en français, mais la traductrice les laisse pour créer des effets stylistiques.
Néanmoins, il existe des emprunts qu’elle était obligée de laisser parce que ces mots n existent pas en français. Parmi eux sont: ukwa (V.A:55/V.F:68), ofe nsala (V.A:154/ V.F:182), garri (V.A:139/V.F:165), atilogu (V.A:9/V.F:17), egusi (V.A:10/V.F:19), utazi (V.A:10/V.F:19),
onugbu (V.A11/V.F:20), moi-moi. Dans ce cas, on se sert d emprunt pour transmettre des réalités qui n existent pas dans la langue d arrivée.
o Le calque
C est le procédé technique qui permet d emprunter un syntagme étranger en faisant la traduction littérale de ses éléments (6). On emprunte la locution ou l expression de la langue étrangère, mais on traduit littéralement les éléments linguistiques qui la composent. Ce faisant, on accorde des règles grammaticales de la langue de départ à la langue d arrivée. Mona de Pracontal s est servi de calque dans L hibiscus pourpre. En voici quelques exemples:
- Daughters of the Immaculate Heart (V.A: 48 )
Filles du Coeur Immaculé (V.F: 59)
- Through Christ our Lord (V.A: 96)
Par le Christ Notre Seigneur (V.F: 115)
- The Head of State (V.A: 25) Le Chef d Etat (V.F: 36)
o La traduction littérale
C est le procédé appelé la traduction mot-à-mot. On traduit directement les mots et idées de la langue de départ en langue d arrivée sans changer le sens du message.
Selon Vinay et Darbelnet,
La traduction littérale ou mot à mot désigne le passage de langue de départ à langue d arrivée aboutissant à un texte à la fois correct et idiomatique sans que le traducteur ait eu à se soucier d autre chose que des servitudes linguistiques. (48)
La traductrice de L Hibiscus pourpre s est servi de ce procédé de traduction. Des exemples sont les suivants:
- God is (V.A:7)
Dieu est amour. (V.F:16)
- I was still at the window when Mama came into my (V.A: 10)
J étais encore à la fenêtre quand Mama entra dans ma chambre. (V.F: 18)
- Lunch is ready, (V.A: 10)
Le déjeuner est prêt, Nne. (V.F: 19)
- Pray for (V.A: 11)
Priez pour nous. (V.F: 20)
- The fufu was smooth and (V.A: 11)
Le foufou était lisse et onctueux. (V.F: 20)
- We read the Standard (V.A: 25)
Nous lûmes le Standard en premier. (V.F: 36)
Ainsi bien que sont les procédés directs, le traducteur d un texte littéraire se trouve parfois dans une situation dans la quelle il est souvent impossible de tenir le sens du texte en raison des différences structurelles et métalinguistiques entre la langue source et la langue cible. Face à cette situation, les procédés indirects s imposent pour contourner les obstacles linguistiques qui n ont pas lien à la structure grammaticale.
o La transposition
C est le procédé qui implique le changement d une catégorie grammaticale avec une autre. Cela consiste à remplacer une partie de discours par une autre sans changer le sens du message ainsi produit.
Considérons maintenant quelques examples tirés de L Hibiscus pourpre:
- Verbe/Nom
Things started to fall apart at home when (V.A:3)
À la maison la débâcle a commencé lorsque (V.F:11)
- Nom / Verbe
my brother, Jaja, did not go to communion V.A:3) Jaja, mon frère, n est pas allé communier (V.F:11)
- Adverbe /Verbe
I felt suffocated. (V.A: 7)
j avais l impression d étouffer. (V.F: 16)
- Adjectif / Nom
Even the glass dining table was moving towards me. (V.A:7) Même la table en verre avançait vers moi. (V.F:16)
- Nom/Verbe
But the only thing that happened was mychoking. (V.A: 14)
Mais la seule chose qui se produisit fut que je m étranglai. (V.F: 23)
- Verbe/Nom
But my memories did not start at Nsukka. (V.A:16)
Cependant, mes souvenirs ne prenaient pas naissance à Nsukka. (V.F:25)
- Adjectif / Nom
I leaned back and rested my head on the wooden window shutters V.A: 64) Je me penchai en arrière et appuyai la tête aux volets en bois (V.F: 78)
- Adjectif / Adverbe
He spoke Igbo for the first time, his brows almost meeting in a quick frown. (V.A: 97)
Il parlait en ibo pour la première fois, et ses sourcils se touchèrent presque quand il les fonça
brièvement. (V.F: 116)
o La modulation
Selon Vinay et Darbelnet, la modulation est une variation dans le message, obtenue en changeant de point le vue d éclairage. Simplement dit, la modulation est le procédé dans lequel le traducteur change le point de vue du message de la langue de départ à la langue d arrivée, sans affecter le sens du message. En faisant ceci, le message devient plus clair à comprendre, et même direct au sujet.
Considérons quelques exemples tirés de L Hibiscus pourpre:
- I watched every movement she made; I could not tear my ears (V.A: 76)
Je regardais le moindre de ses gestes, je ne pouvais pas fermer les oreilles. (V.F: 93)
- Papa did not pencil in TV time on our (V.A: 79)
Papa n avait pas prévu de créneau télé dans nos emplois du temps. (V.F: 96)
- I wanted to say I was sorry, that I did not want her to dislike us for not watching (V.A: 79)
J avais envie de lui dire que j étais désolée, que je ne voulais pas qu elle nous deteste parce que nous ne regardions pas le satellite. (V.F: 96)
- But Papa yanked my ear in the car and said I did not have the spirit of discernment (V.A: 94)
Mais Papa me tira l oreille dans la voiture en me disant que je n avais pas de discernement (V.F: 112)
- You know why Eugene did not get along with Ifediora? (V.A: 95)
Tu sais pourquoi Eugene ne s entendait pas avec Ifediora? (V.F: 114)
- a girl who wore a miniskirt to evening lesson even though she had fat yams on her legs (V.A:
140)
une fille qui venait en minijupe aux cours du soir bien qu elle eût les cuisses comme de gros ignames (V.F: 166)
o L équivalence
C est un procédé de traduction qui souligne la meme situation que l idée du texte original en faisant recours à une rédaction entièrement différente pour représenter la réalité de la couleur locale dans la langue d arrivée. On se sert souvent de ce procédé pour traduire les proverbes, les expressions idiomatiques, les expressions figées et les exclamations. Le traducteur deL Hibiscus pourpre a profité de ce procédé dans son uvre. En voici quelques exemples:
- Papa had just checkmated (V.A: 24)
Papa venait de faire échec et mat (sic) Jaja. (V.F: 34)
- do the usual somersaults (V.A: 9)
faire les sauts périlleux habituels (V.F: 17)
- Papa went about shaking hands and hugging and saying Merry Christmas and God bless
(V.A: 91)
Papa entreprit de serrer les mains, de prendre les uns et les autres dans ses bras et de souhaiter
«Joyeux Noël» et «Dieu vous bénisse» à la ronde. (V.F:109)
- The duplexes with gravel covered driveways and BEWARE OF DOGS signs in the front yards (V.A:112)
Les maisons à deux appartements, avec leurs allées gravillonnées et leurs panneaux
«ATTENTION, CHIEN MÉCHANT» sur la pelouse (V.F:133)
o L adaptation
C est le procédé utilisé quand la situation dans la langue de départ n existe pas dans la langue d arrivée et doit être crée par rapport à une autre situation que l on juge équivalente.
En voici quelques exemples tirés de L Hibiscus pourpre:
- I walked eight miles every day to Nimo (V.A: 47)
Je devais faire treize kilomêtres à pied par jour pour aller à Nimo (V.F: 58)
- I guess that s because your father is a BIG Man. (V.A: 93)
Ça doit être parce que ton père est un Homme important. (V.F: 111)
- She was caressing my cornrows (V.A:15)
Elle caressait mes tresses (V.F:24)
- Gmelina and dogonyaro trees stood firmly on either (V.A:130)
De solides gmelinas et margousiers la bordaient sur les deux côtés. (V.F:153
- and chopped two purple onions (V.A:115)
et en hachant deux oignons rouges (V.F:137)
Critique et analyse des fautes
Le corpus des erreurs analysées est présenté de manière tabulaire. Pour ainsi souligner quelques extraits tirés de Purple Hibiscus et la traduction en langue française par Mona de Pracontal. De plus, les traductions proposées qu on juge convénables sont aussi présentées.
Références
- Adichie, Chimamanda Ngozi. Purple Hibiscus.Lagos: Farafina, 2006.
- Ajunwa, Enoch. Translation: Theory and Practice. Onitsha: University Publishing Company, 1991.
- Chima, D.C. « Sur la fréquence des pertes et des écarts dans la version française de The Ivory Dancer ». Revue de l association nigériane des enseignants universitaires de français 1.5 (Oct. 2008): 133 144.
- Delisle, Jean. L Analyse du discours comme méthode de traduction: Théorie et pratique.
- Ottawa: Presse de l Université d Ottawa, 1980.
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- Ottawa: Presse de l Université d Ottawa, 1984.
- Delisle, Jean. Translation: An interpretative approach. Ottawa: University of Ottawa Press, 1987.
- Gile, Daniel. « La Traduction médicale doit-elle être réservée aux seuls traducteurs- médicins? Quelques réflexions ». META XXXI.1 (1986): 26 30.
- Hurtado-Albir, Amparo. « La Fidélite au sens, un nouvel horizon pour la traductologie », dans Marianne Lederer, Etudes traductologiques (en hommage à Danica Seleskovitch). Paris: Lettres Modernes Minard, 1990, 75 86.
- Hurtado-Albir, Amparo. La Notion de Fidélité en Traduction. Paris: Didier Erudition, 1990.
- Ijioma, P.N. « Les Défis de la traduction des proverbes igbo en français ». Revue de association nigériane des enseignants universitaires de français (mai 2013): 85